A propos de l’habilitation
de "restaurateur pour les musées de France".

Ceci n’est qu’une page pour raconter à qui veut la lire, le résumé pitoyable et chronologique des courriers et demandes que j’ai adressé en vain aux administrations adéquates pour obtenir l’"habilitation de restaurateur des Musées de France", et quelques une des questions de déontologie que cette habilitation m’inspire, le tout illustré par quelques photographies anciennes de la très belle collection aujourd’hui dissoute d’Eugène de Bricqueville.

En novembre 2005, un colloque de 3 jours est organisé conjointement par le musée de la musique de Paris et l’i.n.p. (institut national du patrimoine). Il a pour sujet la restauration des instruments de musique conservés dans les collections publiques. Il est animé par plusieurs universitaires, historiens, musicologues, conservateurs et techniciens des musées et s’adresse aux conservateurs des musées, aux élèves de l’inp et aux professionnels présents dans la salle.

Durant ces 3 jours nous abordons les déontologies de la restauration en général, et celle des instruments de musique en particulier, dans le cadre des collections publiques. Nous notons les subtiles différences de terminologies propres aux conservateurs de musées, comme "dérestaurateur-réparateur" ou encore "excès de virtuosité technique", nous abordons l’ "échelle de Riegl" qui permet de décider de la pertinence d’une restauration. Par exemple, selon les barêmes de cette échelle de valeurs, on a jugé pertinent, pour des raisons de fluidité, de rentabilité et d’efficacité, de remanier un monument historique unique à très forte valeur symbolique : la Tour Effel, puis d’en vendre aux enchères publiques les morceaux retirés, mais on a trouvé très inopportun pour les mêmes raisons d’éfficacité et de rentabilité de changer la barre d’un Amati même en gardant précieusement et étiquettée la barre enlevée, probablement non-originale. Le travail technique et mécanique à l’établi, ses règles et précautions, ainsi que l’expertise, ne seront pas évoqués.

L’inp donne les explications et les détails de la loi régissant la restauration des instruments de musique conservés dans les Musées de France, communique sur le diplôme de "restaurateur-conservateur", et sur l’habilitation possible pour les professionnels non-universitaires et/ou non-diplomés par le biais des V.A.E. (validations pars les acquis d’expériences).

La session qui juge les dossiers des postulants a lieu à Paris le 20/12/05, date butoir pour l’acceptation des dossiers, et les luthiers présents à ce colloque sont encouragés par l’inp à y présenter leurs candidatures.

Le 9/12/05 j’ adresse à la D.M..F (Direction des Musées de France) et à l’i.n.p. une demande d’habilitation "restaurateur des Musées de France", par le biais des V.A.E..
N’ayant pas travaillé pour l’un des musées en question entre 1997 et 2002, en regard de la loi et des instructions envoyées par l’i.n.p. je postulle à la "validation de mes acquis d’expériences" et envoie un dossier de 5 restaurations d’instruments conservés pour la plupart dans des musées français, (donc facilement vérifiables).

Le 30/1/2006 la D.M.F. me revoie mon dossier et ma demande, m’expliquant que n’ayant pas travaillé pour un Musée de France entre 1997 et 2002 ma demande n’est pas recevable.

Le 28/1/06 je réponds donc à la DMF et à l’i.n.p. pour exprimer ma déception et remarquer toutefois que je savais parfaitement que, puisque n’ayant pas travaillé pour un "Musée de France" entre 1997 et 2002, je ne pouvais pas être habilitée directement, mais que je postulais simplement à la procédure V.A.E., comme tous les autodidactes sont autorisés (à défaut d’être encouragés) à le faire. J’ai parfaitement compris qu’un musée ayant employé un restaurateur pour ses collections entre 1997 et 2002, ne pouvant ou ne voulant pas se désavouer, habilitera automatiquement celui-ci, mais que, n’entrant pas dans ce cadre, je devais passer par "l ‘habilitation" et me soumettre au jugement d’un jury. Je pose dans ce courrier quelques questions (que je répète plus bas), afin de bien préparer mon dossier, qui ne recoivent aucune réponse d’aucun des deux organismes sollicités.

Le 7/3/06 j’adresse un nouveau courrier aux mêmes interlocuteurs, avec à peu près les mêmes demandes, qui obtient le même résultat : pas de réponse.

Le 18/4/06 j’envoie un courriel aux mêmes instances, avec davantage de succès, les deux administrations me répondent qu’elles ne sont pas concernées par mes courriers, n’assurant pas cette procédure : la D.M.F. me renvoie à l’inp, qui bien que m’ayant envoyé les documents relatifs à cette habilitation, se déclare non compétant pour la formation des restaurateurs et me suggère de m’adresser dorénavent à l’Université Paris 1, à monsieur Lavedrine.

Le 27/4/06 je contacte par mail monsieur Lavedrine qui me répond que la prochaine session est en 2007.
Je lui réponds que je m’inscris pour la session de 2007.
Monsieur Lavedrine me répond que finalement rien n’est établi et qu’il me faut le recontacter en novembre, (ce qui me semble bien tard novembre 2006 pour une session en 2007 !).
Je réponds que je ne manquerai pas de le faire.

Le 21/5/06 j’adresse, sans grand espoir, un dernier mail à Astrid Brandt, à l’i.n.p., lui reposant les mêmes questions sur l’habilitation, les jurés, les procédures, les habilités et leurs spécialités, (voir plus bas)… Toujours pas de réponse.

Bref, en juin 2006, personne ne peut ou ne veut répondre aux questions que j’ai posées dans mes précédents courriers, qu’ils soient postaux ou informatiques, et je ne sais toujours pas à qui, ni quand proposer mon dossier pourtant complet depuis novembre 2005.

En juillet, en raison de l’absence de réponses, je me tourne vers mon député et lui demande humblement son appui pour pouvoir obtenir au moins des réponses à mes questions, et éventuellement la possibilité de me présenter devant un jury habilité à juger de mes compétences qui pourrait me donner ou pas cette habilitation qui est l’objet d’une opacité bien embarassante, et je contacte avec son appui le Médiateur de la République qui enregistre mon dossier sous la référence 06-3750/AGP.

Je réitere toujours les mêmes questions, celles pour lesquelles aucune des administrations qui gèrent cette fameuse habilitation ne trouve utile, pertinent ou simplement courtois de répondre :

- Qui est aujourd’hui "habilité" pour restaurer les instruments de musique dans les collections publiques ?

Qui, n’ayant pas travaillé pour un "Musée de France" entre 1997 et 2002, malgré un énorme manque de communication à ce sujet, a réussi à trouver les bonnes personnes qui savent répondre aux bonnes questions, et a réussi à passer ses VAE dans les bons délais, et au bon endroit ?

- Puis-je avoir la liste des "restaurateurs habilités" dans toutes les catégories qui concernent la restauration des instruments de musique ?

- instruments du quatuor, violons, cellos, contre-basses, etc..
- archets,
- instruments à cordes pincées, guitare, mandolines, cistres, et autres théorbes,
- claviers, clavecins, pianos, piano-fortes,
- anches libres, accordéons, concertinas, céciliums, cornemuses, etc…`
- vents, bois et cuivres,
- percussions,
- instruments du XXè siècle, y compris les électriques et électro-acoustiques,
- membranophones, - Instruments extra-européens…etc…


- Est-il vrai qu’il n’y a pas de catégories et qu’un restaurateur pourrait, dans nos collections publiques, notre patrimoine, passer indifféremment d’un objet à un autre ? Qu’au sortir de l’école, fort de son diplôme et/ou de son habilitation (obtenus en combien d’années ?), un technicien de la restauration, pourrait intervenir avec la même qualification et la même connaissance mécanique, historique et acoustique sur une harpe, un violon, un piano, un ampli, un occarina, un cécilium, et passer d’un instrument extra-européen des années 1930 à un instrument fait à Venise vers 1630 par exemple ?

A ce sujet on me soutient que cette habilitation ne concerne pas les objets eux-mêmes, mais uniquement le rapport restaurateur-musée, et que ces mêmes "habilitations", "V.A.E." ou "diplômes" autorisent le restaurateur agrée à intervenir sur tout objet ou support pourvu qu’il soit conservé dans une collection publique : textiles, photos, marbres ou pierres, archéologie, mécaniques, cuir, bois, orfevrerie, statuaire, papiers, matériaux composites du XXè, ébénisterie, jouets, armes, horloges, céramiques, etc.. la liste des objets et des matériaux à restaurer est inépuisable, et ce pour toutes époques confondues, le XXè, la Renaissance, Moyen–Age, etc…, toutes civilisations, toutes cultures…

Le restaurateur "habilité" n’aurait finalement pour seule spécialité, pour connaissance principale, pour justificatif de ses études ponctuées par un diplôme d’état, que son "habilitation" ?

Cela est-il possible ?

Est-ce bien raisonnable ?

Fin octobre je recontacte monsieur Lavedrine, comme convenu en juin, et qui me répond que finalement je dois m’adresser à la D.M.F., seule autorisée à donner l’habilitation.

Retour à la case départ : D.M.F.>inp>Paris 1> etc…

Je comprends maintenant, un an après ce colloque dans lequel l’inp encourageait les artisans à se faire connaître et à postuller pour cette habilitation, que ce n’est qu’un attrappe nigaud, un leurre ubuesque, et que ni un vieux restaurateur de 35 ans d’expérience, ni un jeune restaurateur désireux de travailler sur le patrimoine public, ne peuvent espérer entrer un jour dans ce sérail dont l’accès est, je le constate, très fermé et probablement réservé, mais en tout cas pas aux restaurateurs.

Je laisse tomber.

Merci de m’avoir lue jusqu’ici.


Françoise Sinier de Ridder
www.sinier-de-ridder.com


Mes principaux interlocuteurs :

Henri de Cazals
Conservateur général du patrimoine
Chargé de mission pour la recherche et la restauration
auprès de la directrice des musées de France
mission-communication.DMF@culture.gouv.fr
marie-therese.cardey@culture.gouv.fr

Astrid Brandt-Grau
Directrice des études
Département des restaurateurs du patrimoine
Institut national du patrimoine
150, avenue du Président Wilson
F-93210 Saint-Denis la Plaine
astrid.brandt@inp.fr
direction.etudes-restaurateurs@inp.fr

M Bertrand Lavédrine
professeur responsable de la formation au Master en conservation et restauration des biens culturels
lavedrin@mnhn.fr




Janvier 2007, suite et fin.

En zigzaguant sur Internet, je trouve deux choses :

Christophe Bacquet
Conseillers en Reprise d'Études et Validation d'Acquis, Cellule Reprise d'Études et Validation d'Acquis, Centre d'Éducation Permanente de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne  
Coordonnées :
Tél. : 01 44 07 86 79 (9h - 12h30) ou 01 44 07 89 87 (14h - 17h)
Mail : revae@univ-paris1.fr
90, rue de Tolbiac - 75634 Paris Cedex 13, 
qui invite les postulants "habilitation" à se faire connaître, et sur ce même site, http://www.ffcr-fr.org/discip/spe/mobilier.html, la liste des "habilités" dont :
Grall  Elisabeth
2, rue Michelet FR - 93100 Montreuil, France
Mobilier et objets en bois, Instruments de musique, INP-IFROA, DESS : non
Téléphone : Fax : 01 48 57 64 47, Mobile : 06 85 52 57 54, Mél : elisagrall@yahoo.fr.


Toujours à la recherche d’infos concernant la fameuse "habilitation" je contacte immédiatement ces deux personnes, seul C. Bacquet me répond. Après un échange de mails polis et consensuels sans intérêt, afin d’obtenir des réponses concrètes, je pose crûment les deux questions suivantes :

Confie-t-on pour la restauration à un "habilité" non-luthier, un simple universitaire muni d'une connaissance théorique et d'un diplôme en papier, un Strad, un Tourte, un Sellas, une Bouchet, un Ruckers, un Lupot, une Torres, une Lot, etc.
Un "habilité" sait-il seulement de quoi je parle ? Et les conservateurs ?
 
Une personne peut-être "habilitée" pour les meubles, objets en bois, et instrument de musique : considère t-on dans les musées que les instruments de musique sont des meubles ou des objets en bois ? que la lutherie et la production de sons n'est pas une chose destinée à être restaurée ou conservée ?


Monsieur Bacquet me renvoie alors le mail suivant :
"Pourriez-vous m'appeler ? Vos mails méritent plus d'interactivité ... de vive voix ! au 01 44 07 86 79 de 9h à 12h30".

Et en effet de vive voix, lorsque je l’ai rappelé, il m’a confié que je ne recevrais jamais de réponses écrites, car le système, imparfait, ne le permettait pas. Il me confirme de vive voix que, en effet, les élèves suivant le cursus "conservateur-restaurateur", après des études longues et théoriques, sans avoir jamais été en contact de près ou de loin avec un instrument de musique (toutes catégories confondues) seront bien les seuls "habilités" à intervenir sur nos collections publiques.

Les professionnels de la restauration que nous sommes, pour la plupart rebutés par l’acharnement administratif et la difficulté de passer ces indispensables VAE, préféreront rester dans le confort studieux de nos ateliers, et renoncer à intervenir dans les collections publiques qui ne représentent après tout qu’environ 15 % du patrimoine "instrument de musique".

Les choses vont en rester là. Au moins sommes-nous à peu près rassurés :
les "habilités" probablement à juste titre terrifiés par leurs manques de connaissances spécifiques, techniques, culturelles, pratiques et mécaniques, auront à cœur de ne rien faire qui ne soit rémissible, limitant ainsi les risques d’erreurs sur les instruments de la collectivité.

Les restaurateurs non-habilités que nous sommes, continueront à restaurer la plus grande partie du patrimoine, celle que le monde entier se dispute. Ils continueront à former les restaurateurs "non-habilités" de demain qui sauront eux-mêmes, comme depuis toujours et depuis bien avant l’invention des "conservateurs-restaurateurs-habilités-généralistes", transmettre à leurs successeurs les difficiles particularités de notre métier, un savoir ancien enrichi des procédés modernes, et l’expertise indispensable qui l’accompagne.